March 1916 Letters

1st March

Change in postage rules

Je pensais recevoir de vos nouvelles hier, mais rien sans doute que votre dernière lettre mettra encore trois jours, je l’aurai ce soir avant de partir en première ligne.

Rien de nouveau, cette nuit tout était assez calme chez nous, pourvu que cela continue encore quatre jours. Le temps se radoucit, nous aurons moins froid la nuit quand nous serons de garde.

De Barbier, je n’ai toujours rien, il se trouvait dans bien mauvais coin mais ce n’est pas là heureusement que c’est produit le plus fort de l’attaque, j’attends de ses nouvelles avec impatience.

Sans doute avez vous vu sur les journaux que les colis étaient supprimés pour nous, nous n’avons vraiment pas de chance, faut tout supporter et ne rien dire.

J’attends encore un peu avant de vous envoyer votre bague car je ne sais comment l’envoyer, on ne prend pas de colis et dans une lettre, elles sont renvoyées à l’expéditeur mais cela se calmera peut-être d’ici peu.

Je suis en bonne santé et je pense que vous allez tous bien.

Votre bien aime pour toujours.

2nd March

Sleeping arrangement and shelling

J’ai reçu votre lettre du 27 hier au soir, elle m’a fait bien plaisir quand j’ai su que mon camarade avait été vous rendre visite, je vais le voir ce soir car il rentre ici et vous l’a-t-il dit nous avons toujours été à la même section.

Une nuit de passée en première ligne, j’ai pris jusqu’à minuit il ne faisait pas trop froid et il y a moins de boue, nous sommes tout de même un peu mieux, le canon tonne tout le temps, jamais je n’ai entendu tel vacarme.

Il est 8h et je suis couché un peu, mais si vous voyez notre installation, elle est des plus rudimentaires, nous sommes trois dans un tout petit coin, une place pour se coucher, faut se lever pour laisser la place à l’autre, on dort chacun son tour quand on peut dormir. « Je pense bien que plus tard nous ne serons pas dans le même cas, nous aurons un lit pour deux. »

Rien de nouveau, vivement dimanche que nous partions d’ici.

A demain. Je vous quitte chère mignonne et croyez le bien toute la journée, la nuit même dans mes rêves votre chère image est toujours devant mes yeux.

4th March

Post issues

J’ai reçu hier votre lettre du 29. Je suis bien peiné de vous savoir ainsi sans lettre, que se passe-t-il encore car Chère Jeanne je vous écris tous les jours, vous recevrez plusieurs lettres ensemble sûrement. Dites-moi si elles arrivent toutes, si quelquefois elles ne sont pas ouvertes en route. Quand je pense ne pouvoir vous écrire un jour je vous le dis la veille car les vaguemestres ne sont pas toujours là, surtout aux relèves comme demain par exemple. Non ma mignonne je ne veux pas vous laisser sans nouvelles même un jour, c’est mon seul bon moment de la journée, quand j’écris il me semble être près de vous, soyez tranquille je vous aime trop pour vous faire de la peine, si ces retards se renouvellent encore patientez, mais surtout pas de mauvais sang. Nous sommes, comme je vous l’ai dit, dans un coin assez calme, ici nous n’avons jamais eu de blessés et j’espère bien que ce calme se maintiendra car la flotte nous sépare des boches et des obus on s’en cache.

Demain soir nous partons d’ici, mais ce repos ne sera pas un repos car nous allons travailler tous les jours à faire des tranchées, mais j’aime encore mieux cela que de prendre la garde au petit poste, peut-être même je n’irai pas si notre exercice de signaleurs a lieu, enfin nous verrons.

Les permissions sont toujours suspendues.

Hier je vous disais que je pensais voir mon camarade, mais comme il devait se présenter au colonel en arrivant, je ne sais ce qu’il est devenu car je ne l’ai encore vu, peut-être est il embusqué, encore un veinard.

Rien de nouveau.

Je vous embrasse de tout mon cœur.

5th March

Written at 13h leaving the trenches tonight

C’est dimanche il fait beau aujourd’hui, nous avons le beau temps pour partir ce soir. J’ai bien peur que vous soyez restée longtemps sans lettres car elles ont dû être arrêtées, pourquoi je ne sais, mais soyez rassurée que je suis en bonne santé. Je viens à l’instant de me faire photographier devant notre cagna avec deux camarades. Je pense les avoir dans le courant du repos, si toutefois elles sont réussies. J’attends la relève avec impatience, c’est long surtout le dernier jour.

Rien de nouveau, la bataille contenue sur Verdun car nous entendons un grondement continu. Quel massacre que cette bataille. J’ai fini votre bague, je tacherai de vous l’envoyer étant en repos. A demain. Je termine en vous embrassant de tout mon cœur.

Votre bien aime qui vous aime pour toujours.

6th March

Arrived back for another rest period

J’ai reçu vos deux mots hier soir et je vous avais déjà écrit. Je comprends votre inquiétude, pas de lettres qu’est-il arrivé. Toutes nos lettres sont arrêtées, cela me fait bien de la peine de vous sentir ainsi sans nouvelles, mais peut-être qu’avant cette carte vous avez reçu des lettres.

J’envoie en même temps une carte simple car on n’ose plus rien dire, cette carte arrivera peut-être.

Nous sommes arrivés au repos cette nuit et je suis en bonne santé.

  

7th March

Postal service suspended

Je viens de recevoir votre lettre du 4 et je suis bien content que vous ayez reçu de mes nouvelles car je ne savais plus comment faire pour vous écrire. Nous sommes au repos, mais je vous l’ai déjà dit hier, je viens de recevoir une carte de Barbier, il est en bonne santé et trouve le temps long après de mes nouvelles, mais cependant je lui ai envoyé deux cartes ces temps derniers car j’avais peur qu’il se soit trouvé dans un mauvais coin, il vous écrit en même temps me dit-il. Tout va bien c’est pour le mieux maintenant que les lettres arrivent, je vais vous envoyer votre bague demain.

Une bien triste nouvelle que la mort (de Gontrand name added follow research), pauvre garçon je ne lui en voulais pas et cependant il a usé de biens des moyens pour nous faire du mal. La destinée par moment est bien cruelle, mais il ne faut jamais souhaiter du mal à quelqu’un, même son ennemi. Nous en aurons encore dans la personne d’Albert, mais rien ne peut nous toucher car j’espère que bientôt nous serons réunis pour toujours et nous serons forts dans notre amour.

Ici on parle de paix prochaine pourvu que ce soit vrai.

J’ai reçu également une lettre de mes parents, mon oncle doit aller chez nous paraît-il passer quelques jours, les congés sont donc rétablis. 

Il fait bien froid en ce moment, il neige mais pour nous nous ne craignions plus rien, nous sommes habitués à tout.

A demain. Embrassez votre mère pour moi. Je vous quitte chère aimée en vous envoyant mes plus doux baisers.

Votre bien aimé qui vous aime bien fort.

8th March

Rest period, but new trench digging

Hier je vous disais que je vous enverrai une bague aujourd’hui, mais j’attends encore car je crois que les lettres sont encore arrêtées et c’est défendu mais j’essayerai quand même quand les lettres auront leur cours normal. Pas de lettres aujourd’hui et pour personne, nous sommes tous bien en peine.

Je continue à vous écrire tous les jours, peut-être qu’un jour il en arrivera.

Rien de nouveau, nous allons travailler cette nuit et faire des tranchées, encore un drôle de repos, cela ne finira donc pas.

Je suis en bonne santé et j’espère que vous allez tous bien.

Votre bien aimé pour toujours.

9th March

Written at 20h00 still trench digging in the evening

Il est 8 heures du soir et toujours pas de lettres j’attends avec impatience de vos nouvelles car depuis quelques jours je m’ennuie bien.

J’ai encore mal aux dents c’est un peu ça qui fait que j’ai le cafard. Cette nuit j’ai travaillé, un drôle de repos et il fait bien froid, même en ce moment il tombe de la neige. Ma Chère Mignonne, à l’instant je reçois votre lettre, quel soulagement pour moi, tout en lisant ces chères lignes, il me semble être près de vous, je suis plus tranquille maintenant et comme ce soir je ne vais pas travailler, je vais bien dormir si toutefois je n’ai pas trop mal aux dents. Je reçois en même temps une carte de Barbier, il vous envoie le bonjour car il me dit qu’il est bien négligent pour vous écrire.

Mon oncle va aller chez nous me dites- vous, quand donc ce sera notre tour, après tant de souffrances et de séparation, nous aurons bien droit à notre part de bonheur nous aussi.

Merci chère Jeanne pour vos gentilles fleurs, que vous êtes gentille d’être si bonne pour moi et ces fleurs comme je les conserve. Mes lettres n’arriveront pas toutes je crois car je vous écris tous les jours, comme c’est ennuyeux en ce moment avec les lettres. J’aurais bien voulu vous envoyer votre bague, mais pas moyen, je vais attendre un peu car j’espère que nous aurons du changement bientôt.

Le camarade qui a été vous voir et que j’attendais avec impatience, je ne l’ai pas vu car en arrivant de permission, il est parti à Toulouse comme métallurgiste, comme je le pensais, c’est un veinard.

A demain, je vous quitte chère aimée en vous embrassant bien fort.

Embrassez votre mère pour moi, le bonjour à mon oncle et à Mme Yvernelle.

Mes plus doux baisers.

10th March

Many soldiers being evacuated, due to weather and general mood

Je n’ai pas de nouveau à vous dire aujourd’hui, je suis de service toute la journée, mais ce soir je ne vais pas travailler. Quel mauvais temps nous avons ici, à Paris ce doit être la même chose, il est tombé pas mal de neige cette nuit, si mon oncle va chez nous en ce moment, vraiment il choisit mal. 

J’ai passé une bonne nuit, j’ai moins mal aux dents qu’hier, encore une bonne nuit ce soir et ce sera fini, que c’est ennuyeux de souffrir comme cela, nous avons cependant bien d’autres souffrances à endurer à faire encore souffrir physiquement. Ici il ne faudrait jamais être malade ou alors sérieusement pour être évacué, mais j’aime encore mieux rester ici que d’être sérieusement malade ou évacué a l’hopital. En ce mêmement, il y en a beaucoup évacué, c’est des moments comme cela.

Par un temps pareil, vous devez vous ennuyer vous aussi chère aimée de ne pouvoir sortir un peu, mais vous avez toujours votre mère ou Mme Yvernelle pour pouvoir causer. J’attends demain avec impatience pour avoir une lettre.

Je vous embrasse de tout cœur.

11th March

Abscess in the throat ….

Je viens de recevoir votre lettre du 8, mais je suis bien en peine pour mes lettres car si je comprends bien vous en recevez une tous les deux jours et comme je n’ai jamais passé un jour sans vous écrire, que deviennent mes autres lettres, c’est vraiment inquiétant. Aujourd’hui, je suis bien mieux car depuis que nous somme au repos j’ai passé de bien tristes jours. Je vous ai dit que j’avais mal aux dents, j’ai bien souffert car j’avais un abcès dans la gorge et cette nuit il a percé seul, maintenant je suis quitte je ne sens plus rien, j’ai été à la visite ce matin, j’ai deux jours de repos pour me remettre un peu, car pendant trois jours je ne pouvais rien prendre et fallait travailler, avec cela aussi par moment j’en avais gros sur le cœur. Nous avons du soleil aujourd’hui la neige va fondre et peut-être fera-t-il moins froid car plus beaucoup de jours, va falloir retourner voir les boches. Les permissions sont toujours suspendues, mais dans cela faut-il voir un bon présage qui vient nous annoncer la fin de cette guerre et pour nous le bonheur complet et pour toujours car nous l’avons bien mérité après tant de souffrances et de séparation.

Chère Jeanne rien de nouveau depuis hier, je viens de recevoir une lettre de mon frère et une de mes parents qui vont bien et vous donnent le bonjour.

Mes plus doux baisers

   

12th March

Training a “grenadiers” squad during next rest period

Rien de nouveau, je suis en bonne santé, encore un bien triste dimanche, je ne sais quoi devenir et ces heures sont bien longues, nous partons demain soir, toujours au même secteur.

Ma bonne Jeanne, vous voudriez bien demander 25f à mon oncle et me les envoyer en lettre recommandée, car au prochain repos je pars pendant 5 jours dans un camp anglais pour former une équipe de grenadiers.

A demain, je vous embrasse bien fort

13th March

14h00 in the afternoon before leave for the trenches tomorrow

Je viens de recevoir votre lettre du 10, je suis heureux de savoir que mes lettres arrivent maintenant. Je vous envoie seulement un mot aujourd’hui avant de partir aux tranchées. Demain, j’aurai plus de temps à moi. J’espère que ma carte d’hier vous parviendra, carte dans laquelle je vous demandais 25f, mais mon oncle sera peut-être parti. Il fait un temps superbe, nous avons chaud pour partir, mais cela vaut encore mieux que le froid. Il est 2h, nous partons dans ½ heure.

Donnez le bonjour à mon oncle et je vous embrasse de tout mon cœur.

14th March

Back into the trenches at Melzicourt

Premier jour de tranchée et quel beau temps, nous avons aujourd’hui, c’est vraiment pénible d’être ici par un si beau soleil. La relève s’est très bien passée pour nous, mais nous avons eu chaud, cela vaut tout de même mieux que la pluie.

Les boches paraissent bien surexcités, ce n’est sans doute plus les mêmes, ça cogne tout le temps, la fusillade aussi. Comme service, je n’ai pas grand chose cette fois à faire, deux patrouilles dans les 4 jours, c’est peu je vais être tranquille. Dans une dernière carte, je vous disais que j’allais aller faire un stage pour apprendre là lancer de nouvelles grenades. Je vais partir le 25 de ce mois pour 8 jours, justement Dôle vient avec moi et peut-être qu’après être rentrés, nous formerions des équipes spéciales alors pour moi ce serait bon. Je n’aurais plus rien à faire et pas de service. Notre repos s’est bien passé mais pour remonter nous n’avons même pas pu trouver un litre de vin, il n’y a plus rien et c’était 28 sous le rouge et 30 sous le blanc avec des prix comme cela qu’allons nous devenir.

Ma bonne Jeanne, je vous demanderai de m’envoyer un petit colis de tabac par la poste, les colis arrivent étant recommandés, je pourrai l’avoir en étant au prochain repos avant de partir car dans 8 jours je n’ai pu trouver un paquet de tabac même à St Menehould, c’est la misère complète. J’ai toujours votre bague, deux fois j’ai essayé par colis, on ne veut plus rien accepter et dans une lettre il ne faut plus y penser.

A demain, je vais faire un petit tour aux tranchées. Embrassez votre bonne maman pour moi

15th March

J’ai reçu votre gentille carte hier soir, rien de nouveau, il faisait bien beau hier, aujourd’hui il tombe de l’eau. Que les jours me paraissent longs maintenant, dans une inaction comme nous sommes, encore peut-on jouer aux cartes et lire quand on peut trouver de quoi. Je suis rentré de patrouille à minuit et de tout le reste de la nuit et aujourd’hui, je suis là à attendre.

J’ai dormi bien tard et j’étais si bien en rêve près de ma mignonne que j’aime si bien. Embrassez votre mère pour moi, le bonjour à Mme Yvernelle.

Mes plus doux baisers

16th March

Food supply issues little food, water or coffee

J’ai reçu hier votre lettre du 13 avec un jour d’avance sur les autres lettres d’avant, mais c’est bien embêtant que les miennes mettent si longtemps, vous n’avez que de vieilles nouvelles, mais pourvu que les lettres arrivent c’est encore le principal. Dans mes dernières lettres, je vous parlais je crois qu’il était question de nous changer de secteur, ces bruits circulent toujours mais rien n’est sûr encore, je voudrais cependant bien rester ici car avec le beau temps, nous serions bien et pas d’attaques à craindre mais rien à dire faut marcher.

Quels tristes jours passons-nous en ce moment, mal nourris et rien à boire, plus de café, si ce régime continue cela n’est pas fait pour nous encourager, je me demande à quoi cela tient s’il n’y a plus rien à nous donner ou si cela n’arrive pas. En attendant ces beaux rêves, j’entends toujours le canon et ma fois ça cogne dur, c’est énervant à la fin, je finirai par avoir des cheveux blancs.

Je suis en bonne santé et j’espère que ma lettre vous trouvera tous de même.

17th March

Rien de nouveau et ce soir nous allons en réserve pour quatre jours, j’ai reçu un mot de Barbier hier, il se porte bien et vous envoie le bonjour. J’attends de vos nouvelles ce soir.

Je vous envoie mes plus doux baisers.

18th March

Planes and bombardments

Comme je le pensais j’ai reçu hier votre lettre du 14, je vois maintenant que les lettres vont bien arriver. Je suie en bonne santé depuis que nous sommes montés aux tranchées, mes dents me laissent tranquille, avec le beau temps j’espère que ce sera fini. Nous sommes en réserve pour finir, j’espère que ces quatre jours se passeront bien. Comme vous, chère Jeanne, je ne demande qu’une chose la fin vivement, passer de si beaux jours et être si loin l’un de l’autre, il y a de quoi avoir le cafard par moment. Rien de nouveau, le temps est superbe, des avions boches sont en ce moment au-dessus de nous, mais mes artilleurs sont là aussi, il ne fait pas bon dehors car les bombes tombent, aussi on rentre dans les abris. Cet après midi, j’irai faire un tour dans les bois, si je peux découvrir quelques fleurs, mais j’aurai du mal car le bois est ravagé par les obus, enfin cela me distraira un peu, cela ne vaut pas le bois de Vincennes assurément, espérons chère Jeanne que nous aurons bientôt le bonheur de nous y promener, car je crois que cette guerre touche à sa fin et de beaucoup c’est l’avis. Rien au sujet de notre changement, ce serait pour le mieux.

19th March

Drinking water issues

Encore un dimanche de passé loin de vous, dire que c’est triste à la fin de voir tant de jours s’écouler et toujours au même but. J’espère que vous avez eu occasion de sortir aujourd’hui, car rester toute une belle journée, il y a de quoi se morfondre. Rien de nouveau, toujours le canon sans arrêt cette nuit, il faisait un tel vacarme que nous n’avons pu fermer l’œil. Parrain va avoir un temps superbe pour son congé, quel veinard tout de même,  tandis que nous n’avons même pas le bonheur d’être ensemble. Pour passer un peu de temps, on joue aux cartes car je ne fais pas de corvées pour le moment, je suis chef de section, mais ce qui manque c’est le liquide même pas d’eau bonne à boire. Quel fourbi de tout et quand donc la fin.

20th March

Je pensais recevoir de vos nouvelles hier, mais j’ai pensé que vous m’aviez envoyé une lettre recommandée, je l’aurai au repos, ce n’est plus long maintenant, nous partons demain soir.  Bien longue m’a paru la journée d’hier, surtout un si beau temps. De nouveaux bruits circulent encore pour notre changement, ce matin des officiers d’état major visitaient le secteur, nous aurons du nouveau sous peu je crois, attendons, ailleurs, comme ici je m’en tirerai toujours.

Je vous envoie une photo mais comme toutes elles sont mal tirées, c’est des photographes d’occasion. Nous sommes dans une tranchée de première ligne, près de notre abri.

Rien de nouveau, c’est calme chez nous mais à notre droite depuis cette nuit ça cogne, il doit y avoir une attaque.

Je suis en bonne santé et j’espère que ma carte vous trouvera tous de même. Le bonjour à Mme Yvernelle

Embrassez votre mère pou moi. Je termine chère Jeanne en vous embrassant de tout cœur.

21st March

Calm day, hand over to the 102e passed without incident

Hier je vous envoyais une carte disant que je n’avais pas reçu de nouvelles et je pensais que vous m’aviez envoyé une lettre recommandée, mais hier soir j’ai reçu une de vos lettres car elle avait mis trois jours à me parvenir. Chère Jeanne, je vous avais demandé de m’envoyer 25 f, mais peut-être n’avez vous pas reçu cette carte car je crois vous avoir écrit avant de vous demander de m’envoyer du tabac. Recevez vous mes lettres tous les jours, car je ne passe pas un jour sans vous écrire dans tout ce chaos, peut-être bien que des lettres sont égarées.

Nous partons dans une heure mais les lettres d’aujourd’hui ne sont pas encore arrivées, j’attends des nouvelles de mon oncle mais les lettres de chez nous restent tellement longtemps en route que je crois bien que mon oncle sera de retour à Paris avant d’avoir reçu de ses nouvelles.

Rien de nouveau au sujet de notre départ, peut-être saurons nous quelque chose ce soir en arrivant.

La santé est bonne et j’espère que votre père va mieux, que de tourments pour vous et votre bonne maman. Quand donc tout cela sera fini.

A demain, je vous embrasse de tout mon cœur.

22nd March

“Grenadier” course has been delayed

Hier croyant que vous n’aviez pas reçu ma carte vous demandant de m’envoyer de l’argent, je vous écrivais de nouveau, mais vraiment j’étais bien pressé, seulement ce qui me trompais c’est que je recevais toujours une lettre tous les deux jours, mais tout arrive pour le mieux car aujourd’hui j’ai touché ma lettre et votre colis. Merci chère Aimée de votre gentil colis car ici vous ne pouvez savoir le plaisir que l’on a de recevoir quelque chose de sa bien aimée. J’espère que bientôt ce sera fini et que je serai près de vous pour vous remercier de toutes vos bontés. Apres tant de séparation et de souffrance, la vie nous semblera bonne et les jours s’écouleront bien vite. Chère Jeanne, encore un peu de patience et nous verrons nos rêves se réaliser. Je vous aime bien mais je crois que je vous aimerai encore plus. Nous sommes au repos, la relève s’est bien passée, mais rien dans le pays, le vin 30 sous maintenant, la vie doit être chère aussi à Paris, il doit y avoir des malheureux.

Rien au sujet de notre changement à force d’entendre dire de tous les côtés et de diverses façons, je ne crois plus rien avant d’être en route mais à mon avis nous allons rester ici et ce serait le meilleur pour nous.

Comme je pensais aller faire un stage comme grenadier, c’est changé, je n’y vais plus, je suis pour apprendre le maniement d’un nouveau fusil mitrailleur et je m’attends à aller faire un stage bientôt. A force d’emploi, je ne sais plus où donner de la tête car par moment j’ai du boulot.

Mon oncle doit être rentré, son séjour n’a pas été long. J’espère que ma lettre vous trouvera tous en bonne santé.

23rd March

Jules has been reliving is pre war job as a police officer

J’ai reçu aujourd’hui votre lettre du 20, comme c’est curieux par moments je reçois vos lettres dans deux jours et voici qu’elles mettent trois jours maintenant. Comme vous me le dites votre charmante lettre m’a trouvé au repos, mais ce n’est pas 6 jours, mais 8 que nous restons ici. Rien de nouveau, on ne sait rien encore pour changer de place.

Aujourd’hui j’ai été de service toute la journée, cela me rappelle un peu mon ancien boulot car j’étais sur une route pour contrôler les papiers des civils, la journée m’a paru bien longue car les civils sont rares et il faisait un bien vilain temps, froid et par moment des averses. Je vous écris un peu tard, j’ai bien peur que ma lettre ne parte pas aujourd’hui mais je n’ai pas eu le temps de vous écrire plus tôt. J’espère qu’un jour ne vous semblera pas trop long, je sais bien que tout de suite l’on est en peine, quand on attend une lettre et rien quelle déception, car pour le moment c’est notre seul bonheur de pouvoir nous écrire.

Vous avez maintenant mon oncle pour causer un peu, il va vous raconter son voyage, sans doute qu’il avait beaucoup à faire car il ne m’a même pas envoyé une carte. J’ai reçu aujourd’hui une carte de mon frère, comme toujours il trouve que je le laisse longtemps sans nouvelles, mais lui n’use pas beaucoup de plumes pour m’écrire trois fois par mois, c’est bien tout ce qu’il peut faire.

Je suis en bonne santé, espère que ma lettre vous trouvera tous de même.

24th March

Going back to the Tourbe sector tomorrow

Je viens de recevoir votre lettre du 21. Deux lettres dans deux jours, quel plaisir pour moi. Je suis content que maintenant vous avez mon oncle pour pouvoir bavarder un peu, cela vous distraira. Quelle triste vie avez-vous avec votre père, ne pas pouvoir causer de ce qui vous tient le plus au cœur, c’est bien pénible pour vous et votre mère mais, chère mignonne, bientôt je serais là pour vous consoler et vous aimer, vous rendre heureuse pour toujours, vous verrez que nous oublierons vite tous ces mauvais jours.

Nous avons du nouveau, nous relevons demain et nous allons occuper notre ancien secteur en avant de Ville-sur -Tourbe, ce n’est pas encore trop mauvais, j’avais peur de partir plus loin, nous partons pour 6 jours demain soir dans les mêmes emplacements que nous occupions quand nous étions là bas. Pourvu qu’il y ait moins d’eau avec ce mauvais temps, j’ai bien peur que nous en trouverons encore.

Ma chère Jeanne, je regrette bien de ne pouvoir vous envoyer votre bague, le vaguemestre ne veut pas prendre de colis et dans une lettre, cela se sent trop, elle me reviendra et je serai attrapé car c’est absolument interdit, j’espère que vous ne m’en voudrez pas, j’ai fait tout mon possible, peut-être que dans quelque temps, ils seront moins exigeants.

Nous allons avoir du travail car ce secteur est en bien mauvais état, mais j’aurai toujours le temps de vous envoyer un mot tous les jours.

 

25th March

Ma Jeanne Chérie

Je vous envoie deux mots avant de partir aux tranchées. Je crois que nous allons avoir du beau temps, car le temps a l’air de vouloir se remettre au beau. Je viens de recevoir votre carte du 22, merci chère mignonne de m’écrire si souvent. Rien de nouveau, je suis en bonne santé et je compte que notre séjour aux tranchées se passera bien.

Je vous embrasse de tout mon cœur.

26th March

Back in their old trenches from 1915

De nouveau me voici aux tranchées et comme je vous l’ai dit dans notre ancien secteur, nous sommes arrivés à minuit, bien fatigués car c’est loin et depuis un moment nous n’avions plus l’habitude des boyaux, où nous devenons, il n’y en avait pas. Malgré que c’est mieux que quand nous l’avons quitté et n’est guère loin, ce n’est guère bon, il y a encore de l’eau et beaucoup de boue et avec cela depuis ce matin il tombe de l’eau, nous allons encore être propre si ce temps continue. Je ne sais si ce calme durera, arrivés on entend même pas un coup de canon, ni de fusil, nous allons faire 6 jours et après 6 jours de repos où nous allons toujours, ensuite 6 jours de réserve un peu en arrière des lignes et 6 jours de première ligne, cette fois là nous resterons 12 jours sans rentrer, c’est bien long car le pire c’est que nous sommes mal ravitaillés, une fois par jour dans la nuit, on mange toujours froid, cela n’est guère bon aussi quand on a à faire 8 jours de ce régime on ne peut plus manger, mais le repos nous remet un peu.

A l’instant, je reçois votre lettre du 24, celle là n’a mis que deux jours, vous me chinez pour ma photo, je sais très bien qu’elle n’était pas réussie et comme vous le pensez je regardais des avions, une autre fois j’espère que ce sera mieux.

Je suis en bonne santé et j’espère que ma lettre de même.

27th March

Un jour de passé et dans quel état somme nous déjà, que de boue nous sommes méconnaissables, si seulement la pluie cessait.

Rien de nouveau, tout est tranquille, comme service j’ai moitié de la nuit à passer mais nous ne prenons pas au petit poste, c’est moins dur.

A demain, je vous embrasse de tout mon cœur.

Rotation periods for the 7e division of the next month

28th March

Patrol in no-man land

Rien de nouveau, les jours passent mais pas vite, enfin nous voilà déjà à moitié. Cette nuit, j’ai fait une patrouille, mais je croyais ne pouvoir m’en tirer tellement il faisait noir et sur la plaine c’est une forêt de fils de fer, mais pour cette fois et j’en ai le cœur soulagé car par moment faut passer à 10metres des boches et si jamais on était vu, il pourrait y avoir des coups de feu.

Je suis en bonne santé, demain je vous ferai une plus grande lettre.

Je vous embrasse ainsi que votre mère

29th March

A grim night on watch 

Triste nuit, il est 2h½, du matin, je suis de veille. Il fait froid, un vent affreux et des bourrasques de pluie et de neige. Je rentre de faire une ronde pour voir les sentinelles dans les boyaux par cette nuit noire comme de l’encre, patauger dans la boue, le canon et par moment les mitrailleuses qui balaient la plaine c’est terrible. Je plains ces pauvres sentinelles, pendant 6 heures sous ce temps, car une fois rentré je peux faire du feu et me sécher un peu, ensuite je suis toujours à l’abri contre le vent et la pluie.

Chère Jeanne, même dans ces tristes moments, ma pensée est toujours près de vous, c’est ce qui me donne le courage pour continuer cette lutte sans merci car je sais que bientôt je serai près de vous, chère mignonne et que vous savez me faire oublier tous ces mauvais jours et alors nous aurons le droit de nous aimer.et d’être heureux pur toujours.

Contrairement a ce que je vous ai dit, nous sommes ici pour 8 jours et après 8 jours de repos, ensuite 16 jours en tout, tant réserve que première ligne ces 16 jours vont paraitre longs car on ne peut rien avoir pour adoucir un peu notre pauvre sort.

Ceux qui n’auront pas vu la vie que nous avons ici ne peuvent s’en faire une idée, beaucoup souffrent, des jeunes gens de 20 ans ont les cheveux blancs. Mais j’arrête je vais avoir le cafard.  

Je suis en bonne santé et j’attends de vos nouvelles aujourd’hui. Depuis deux jours je n’ai rien reçu, un retard dans les lettres.

30th March

J’ai reçu hier votre lettre du 26, cela m’a rendu un peu de courage et voici le beau temps, le soleil est bon, on est plus gai. Rien de nouveau, je suis en bonne santé, vivement dimanche que nous allions au repos, à demain une plus grande lettre.

Le bonjour à mon oncle ainsi que Marguerite et Mme Yvenelle.

Je vous embrasse de tout mon cœur, ainsi que votre mère.

31st March

All quiet on the Tourbe front

Encore un mois de passé, et toujours là sans espérances de nouveau, mais estimons nous heureux que je sois resté ici car le danger est moins grand, nous sommes moins exposés que ces pauvres camarades qui sont dans la fournaise du côté de Verdun, car combien hélas sont déjà tombés. Tout est calme ici. Les boches ne répondent même pas aux coups de canon et depuis deux jours il fait meilleur, du soleil, la boue sèche nous sommes mieux, encore deux jours encore deux jours et nous irons au repos.

Je n’ai rien de nouveau à vous dire, prenons patience et courage, nous verrons peut-être bientôt la fin de nos misères.

Comme des taupes nous sommes terrés dans nos tranchées, pas un seul homme, ni une tête ne se voit au dessus des tranchées, c’est la guerre et on ne voit personne, mais cependant tout remue partout, sur la plaine, devant nous, ce n’est que fil de fer et piquets, mais aussitôt que l’on se montre et cependant nous sommes a 300 mètres des boches, on entend aussitôt le clic clac des mitrailleuses, rien a faire sitôt sorti on serait fauché de suite et on dit que nous sommes civilisés.

Je suis en bonne sante, chez vous également et mes parents vous envoient le bonjour.

April Letters

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