February 1916 Letters

Below are the original letters that have been transferred into the digital world

1st February

Confirmation he has arrived back at Sainte Menhould post leave

“Me voici bien seul aujourd’hui et je trouve le temps long, la cie rente demain soir alors cela me changera un peu, le voyage s’est très bien passé et je suis arrivé a minuit a Sainte Menehould, j’ ai dormi un peu et ce matin, j’ai regagné mon cantonnement. Quel vide pour moi hier matin encore j’étais heureux et maintenant je pleure »

J’ai déjeuné avec le Chef de chez nous et ce soir ainsi que demain, je serai avec lui en attendant mes copains. Vous avez du voir mon oncle quand il est rentré, j’aurais bien retourné mais j’en avais trop gros sur le cœur cela m’a plus fait plus que la 1err fois car j’avais toujours devant les yeux ces bons moments ou nous étions l’un près de l’autre”.

2nd February  to 10th Rest period

Location: Neuville

« Une journée de passée mais bien triste pour moi, j’attends la cie ce soir, cela me changera peut-être un peu les idées. Je n’ai pu fermer l’œil de la nuit car toujours j’étais avec vous, que c’est triste d’être ainsi séparés et personne à qui l’on peut confier ses peines. On parle que nous sommes au repos pour ?? 9 jours et après nous changerons de secteur, si seulement nous allions au repos pas trop loin de Paris, je pourrais peut-être m’échapper quelques jours. Ce matin j’ai remis tout mon fourbi en ordre, j’ai cousu et brossé cela m’a occupé un peu, mais nous n’allons pas avoir chaud dans notre grange car aujourd’hui il fait rudement froid »

The 16e compagnie are back into a rest period for 8 to 9 days, where they will be staying in barns in Neuville and the rumors are that they will then be changing sector

“Un de mes copains, sergent vient d’arriver, il part ce soir en permission, que je voudrais être à sa place mais lui aussi est content de partir”

3rd February

“Rien de nouveau depuis hier, j’attends mon copain aujourd’hui pour avoir de vos nouvelles de vive voix. Vous ne pouvez savoir quel plaisir pour moi à entendre parler de celle que j’aime.

“Cette nuit, j’ai pris à minuit jusqu’au jour et il tombe de l’eau et de la neige encore une fois le mauvais temps, nous n’en sortirons donc pas. Ce soir je vais aller jusqu’à minuit et après je pourrai dormir, mais le meilleur c’est que mes 8 jours se tirent. J’ai eu hier des nouvelles de mon frère, mais comme toujours il est pressé et il ne me dit rien- bonjour je vais bien et c’est tout, il ne veut pas attraper une méningite”

“C’est calme aujourd’hui, cette nuit aussi par moment on ne dirait pas que c’est la guerre. Les jours me paraissent sans fin, on travaille pour oublier notre pauvre sort. Quand donc les beaux jours viendront-ils pour nous”

At rest and the days are long due to the bad weather and the duty periods outdoors in the sleet.

Letter Part 2

La cie est rentrée cette nuit, j’ai retrouvé tous mes copains et aujourd’hui j’étais de jour alors j’étais occupé toute la journée avec les colis et les lettres, depuis 8 jours j’avais de quoi faire. Il est 5h et je prends un moment pour vous écrire. Je serai bien revenu chère mignonne mais j’avais peur de vous faire encore plus de peine en partant le lendemain puisque nous devons nous revoir pour toujours, prenons notre malheur avec patience et espérons de nous revoir bientôt et pour toujours”

Confirmation that the 16e compagnie is now back and tomorrow they are being vaccinated? Against what ? typhoid best guess,…

Je vais encore être vacciné demain, encore deux jours à souffrir avec cela depuis que je suis rentré, j’ai bien mal aux dents et rien à faire ici”

4th Febraury

Vaccinated today – against typhoid

Je viens de recevoir a l’instant votre dernière lettre, quel bon moment pour moi que celui où je lis ces lignes qui  m’évoquent la pensée de ma Jeanne bien aimée. Il fait mauvais aujourd’hui, il tombe de l’eau, cette nuit j’ai bien encore souffert des dents et c’est une névralgie car le jour je n’ai pas mal, cela me prend dans la nuit et le matin cela passe mais je repose mal que c’est ennuyeux

Got vaccinated today – we assume against typhoid, whilst his teeth issue is not getting better, which he believes to be névralgie

5th Febraury

Sunday at rest, and Jules is now training to be a “Signaleur”

“J’ai reçu votre gentille carte aujourd’hui, merci bien chère mignonne, mais seuls moments qui me semblent bons sont quand je reçois une de vos lettres”

C’est demain dimanche, quels doux souvenirs que les dimanches passés près de vous. Demain nous avons concert, cela me distraira un peu. J’ai été vacciné hier, mais je n’ai pas trop de mal, mais par exemple toutes les nuits j’ai toujours mal aux dents, si cette nuit cela ne va pas mieux, je verrais le médecin car je ne dors plus. Je suis maintenant signaleur, c’est a dire que j’apprends l’alphabet Morse comme le télégraphe, je suis quitte d’aller a l’exercice c’est toujours amusant ».

« Dites a mon oncle que j’ai reçu des nouvelles de St Quentin et de mon cousin Camille. Quand à Camille, il a toujours le cafard rapport à sa permission ».

7th February

Confirmation 16e compagnie are on day shift

« C’est heureux que vote père va mieux, car quels ennuis  pour vous et notre  bonne maman surtout. Je suis en bonne santé, voici deux nuits que j’ai mieux dormi, mon mal de dents paraît passé et c’est heureux car c’est bien agaçant. Aujourd’hui je suis de jour, en ce moment et la cie est en exercice et mon travail est presque fini. Je vais aller chercher des colis et c’est tout »

« Je vous avais parlé d’une photo je crois, mais elle n’était pas réussie, alors nous avons recommencé hier, une avec tous les sous-officiers et l’autre avec ma section mais je ne sais encore le résultat, espérons qu’il sera bon ».

« Peut-être aurez vous vu mon frère hier, mais c’est vrai votre père ne travaille pas. il est deux heures et je vous vois assise en train de m’écrire, nous avons beau être loin mais nos deux cœurs seront toujours ensemble »

8th February

Je rentre de faire une petite promenade, je viens de conduire un détachement au pays à côté, pour moi ça m’a égayé un peu car je ne vais pas l’exercice depuis que je suis les cours de signaleurs, c’est autant de gagné. Rien de nouveau, le moment s’approche où nous allons remonter aux tranchées car il n’y a rien de changé. J’ai commencé une bague pour Mme Yvernelle, elle l’aura bientôt.”

Ce soir, nous avons concert.

9th February

Je viens de recevoir votre dernière lettre et comme toutes je l’attendais avec impatience. C’est demain que nous partons aux tranchées et cette fois je vais prendre la faction dans les petits postes 6 heures à faire, qui vont me paraître bien longues, surtout sans abri et les pieds dans l’eau par exemple, le jour je ne prends pas, je pourrai toujours me reposer un peu.

Il fait un temps affreux. Il neige depuis ce matin quel temps pour nous demain. Comme je vous le disais hier soir, j’ai été passé deux heures au concert c’était bien réussi et nous avions la musique du 102eme reg, cela fait oublier pour un instant la triste situation où nous sommes.

Je vais envoyer un mot à Barbier, lui aussi devait être content de sa permission, sans doute que votre père n’a encore rien vu de notre correspondance car j’espère bien que vous me l’auriez dit. Rien de nouveau, je rentre de l’exercice des signaleurs, ça commence à aller bien, peut-être que plus tard je pourrais avoir un poste meilleur que maintenant de rester dans ma section.

Donnez le bonjour à mon oncle ainsi qu’à Mme Yvernelle. Camille recommence à m’oublier car je n’ai encore rien reçu de lui. Jeanne je vous écrirai aussitôt arrivé aux tranchées, tranquillisez-vous j’espère que les 8 jours se passeront bien.

11th February

Back in the trenches near Melizcourt

Je suis maintenant aux tranchées et je viens de passer une bien vilaine nuit. Hier soir en arrivant j’ai fait ma patrouille et j’ai été reçu à coups de fusils par Boches, obligé de rester au moins ½ heure à plat ventre dans la neige et ne faire aucun mouvement sans quoi ils tiraient, à force de ramper j’en suis tout de même sorti et à minuit j’ai pris au petit poste jusqu’ à ce matin 7h, ce que nous avons eu froid, ce n’est pas croyable surtout aux pieds, 7h sans bouger les pieds dans l’eau et la neige et va falloir recommencer ce soir mais jusqu’à minuit seulement, je pourrai dormir le reste de la nuit. Tout cela ne vaut pas grand chose. Quand donc serais-je près de ma mignonne pour oublier bien vite cet affreux cauchemar.

J’attends une de vos lettres aujourd’hui mais elles arrivent tard et les nôtres partent de bonne heure. Nous avons 4 jours à passer ici et 4 jours en réserve ces autres 4 jours seront moins durs pour moi.

Je suis en bonne santé malgré tout et j’espère que c’est de même pour vous tous.

Embrassez maman pour moi, le bonjour à mon oncle.

12th February

08h00 – Germany heavy artillery activity increasing

J’ai bien reçu votre lettre hier soir et avec quel plaisir pour moi. C’est si doux de rêver qu’une chère aimée pense à vous. Avec toutes nos misères, c’est mon seul soutien. Nos pensées se croisent mais toujours est là notre amour qui nous fera surmonter tout pour notre bonheur.

Comme vous me le dites chère Jeanne, cette lettre m’a trouvé aux tranchées, mais pas comme vous me le dites, au lieu de six c’est 8 jours que nous passons ici.

Quand à cette photo que vous me demandez, je crois vous avoir dit que l’épreuve n’était pas réussie, nous avons recommencé dimanche mais je ne pourrai les avoir qu’au prochain repos, si encore elles sont bien et la bague à Mme Yvernelle dans quelques jours je lui enverrais, elle est presque finie mais comme je n’ai pas de pinces faut souvent attendre après les copains.

 Comme je vous le disais hier, j’ai pris du service de 6h à minuit mais quel temps une pluie avec bourrasques, c’était terrible heureusement que j’ai un caoutchouc qui me préserve bien. J’ai reposé un peu ce matin, maintenant je suis d’aplomb et je recommence ce soir à minuit c’est dur tout de même.

Hier toute la journée le canon n’a cessé par moment la terre tremblait, c’était infernal et voici que ça recommence, nous avons la tête cassée et cela vous donne sur les nerfs.

Je vous quitte ma bien aimée en vous embrassant bien fort, comme je vous aime.

13th February

Ma Jeanne Chérie

J’ai bien reçu votre gentille carte hier soir et je viens de passer encore toute la nuit. Quelles sont longues ces nuits, seul dans la plaine, adossé contre un arbre, combien de pensées passent par la tête, pensées tristes et gaies, mais j’ai toujours pour me soutenir votre chère image devant les yeux. Je suis en bonne santé et je pense que ces deux mots vous trouveront tous de même. Je vais me coucher un peu.

14th February

Night duty and toothache

Encore une nuit de passée, j’étais de service jusque minuit seulement et j’ai pu me reposer ce matin mais mon mal de dents continue, je serai obligé quand nous irons en repos de m’en faire arracher, car je ne peux durer comme cela, quand j’ai un moment pour me reposer je ne peux dormir. C’est cependant assez d’être malheureux comme nous le sommes et il faut souffrir encore. Merci chère aimée de cette gentille carte, oui mais quand aurons nous le bonheur de pouvoir les effeuiller ces marguerites. Je pense à cela bien souvent. Quand nous serons unis et que chez nous, nous nous promènerons à travers sentiers et bois, ces humbles marguerites nous dirons toujours amour et pour toujours.

Nous quittons notre tranchée ce soir, ces 4 jours qui nous restent nous allons en réserve, un peu en arrière et nous serons mieux, mais on parle fort de nous envoyer en repos dans un bois, ce ne serait pas le rêve car nous ne pourrions rien trouver, enfin nous verrons dans 4 jours cela peut changer.

Le temps est affreux, il tombe de l’eau à torrent. Comme vous me le dites ma Chère Jeanne, j’enverrai la bague à Mme Yvernelle, à son adresse. Je vais la finir étant en réserve, car ici on ne peut guère travailler. Quant à la paye que mon oncle a touché, il devrait y avoir une indemnité d’habillement car nous ne sommes pas augmentés.

Rien pour aujourd’hui, j’ai tellement mal que j’arrête d’écrire.

Embrassez bien maman pour moi et je vous envoie mes plus doux baisers.

15th February

Rats and more rats

C’est encore des tranchées que je vous écris, je croyais que nous serions relevés hier soir mais il y a eu contre ordre, c’est seulement ce soir que nous partons plus que trois jours de misère. J’ai encore passé moitié de cette nuit de 11h à 7h ce matin et quel temps. Il tombe de l’eau et il fait un tel vent que les arbres sont arrachés, car mes abris sont dans des sapins. Je viens de manger un peu car les dents me font toujours souffrir, il me tarde que nous allions au repos pour me faire soigner. Dans nos abris, nous sommes envahis par l’eau, faut mettre des pompes et avec cela les rats pullulent, cette nuit quand j’étais de garde ils ont percé mon sac et tout mangé ce qu’il y avait dedans, chemises, caleçons, chaussettes tout est haché, un de ces jours ils vont nous bouffer tout vivant. C’est charmant la guerre, heureusement que les Boches nous laissent assez tranquilles, c’est toujours cela, c’est un peu forcé, car en ce moment 1500 mètres d’eau nous séparent.

Merci chère Aimée de cette gentille carte, si vous saviez quel plaisir j’éprouve à chacune d’elles, il me semble que c’est vous qui êtes là aussi dans ces longues heures de garde, vous êtes ma seule pensée. Quand donc la fin.

Embrassez bien maman pour moi, je termine en vous embrassant bien fort comme je vous aime.

 

16th February

Rain and more rain

Je vous mets seulement deux mots car je n’ai le temps. Je viens de faire 12kms et je suis dans le pays où nous venons toujours au repos. Je viens voir un dentiste car je souffre sans arrêt, mais quelle course, car va falloir repartir de suite. Nous sommes relevés depuis hier soir, encore deux jours mais cette fois comme j’ai dû vous le dire nous allons dans un bois, que cela va être triste et que de boue nous allons avoir, il fait toujours un temps affreux, le vent, la pluie font rage. Je voudrais bien être arrivé maintenant.

Rien de nouveau à demain, mes parents voue envoient le bonjour.

17th February

Flooded trenches

Hier, je n’ai pu vous écrire longuement, mais aujourd’hui ça va mieux. Je me suis fait arracher 4 dents ou plutôt des racines, quel soulagement et que j’ai bien dormi cette nuit, c’est encore un peu douillet mais dans quelques jours ce sera fini. J’ai reçu votre dernière lettre hier soir en rentrant, comme vous êtes bonne de m’envoyer ces jolies fleurs, que je conserve car elles viennent de ma bien aimée, car comme vous chère Jeanne je vous aime toujours davantage. Mais écoutez-moi, ayez confiance et surtout pas de mauvais sang, je serais encore plus malheureux si je vous savais malade, ici par moment tout n’est pas rose, certainement on risque sa vie à chaque minute, mais puisque nous savons que je reviendrai, attendons avec patience, cela ne peut durer toujours.

Cet après-midi, j’ai des corvées à conduire, le temps s’écoulera plus vite et demain nous partons d’ici. Comme nous partirons de bonne heure, je ne sais si les lettres partiront demain, enfin je vous écrirai toujours un mot.

Rien de nouveau, il tombe toujours de l’eau, nous sommes comme les canards nous nageons tout le temps dans notre abri, il faut un homme qui enlève l’eau continuellement sans cela on baignerait étant couché. Vous voyez que les chambres à coucher ont tout du confortable et tout le reste à l’avenant.

La bague à Mme Yvernelle va être finie ces jours derniers, je n’ai rien fait car je n’avais pas le courage. Embrassez maman pour moi, le bonjour à mon oncle ainsi qu’à Marguerite.

   

18th February

Start of rest period at a new rest area at Charmeresse

Je viens de recevoir votre lettre du 16 en arrivant au repos, mais quel repos allons passer, nous sommes dans un bois comme je vous l’ai dit, loin de tout pour se ravitailler, ce n’est pas le repos que nous avions avant, mais faut prendre tout comme bon.

Heureusement que vos gentilles lettres me consolent un peu et me donnent du courage pour passer tous ces mauvais jours, merci chère aimée de vos bonnes paroles, faut bien nous faire une raison, nous n’avons qu’à attendre avec patience nous aimant toujours davantage, car en ce moment c’est notre seule consolation.

Cette lettre ne vous parviendra pas comme je le pensais car elle ne partira que demain, mais pour un jour je pense que vous ne trouverez pas le temps long. Je fais tout mon possible pour vous envoyer un mot tous les jours. Nous  sommes dans une baraque en planches, l’eau tombe partout et c’est encore la plus confortable, nous sommes tous les sous-offs ensembles, mais nous avons tout de même une table pour écrire, comme lit toujours pareil la terre et de la paille mouillée, les hommes sont encore plus mal. J’enverrai la bague à Mme Yvernelle demain j’espère qu’elle sera contente. La santé est bonne, mes dents vont mieux dans quelques jours je pourrai manger comme il faut.

Rien de nouveau toujours de la pluie, demain j’aurai pas mal à faire pour se nettoyer un peu, mais cela passe le temps quand on est occupé on pense moins à son mauvais sort.

Je vous quitte ma chère mignonne en vous embrassant de tout mon cœur

20th February

Trench Art: Ring making

J’ai reçu votre gentille carte hier soir, mais cela m’étonne que vous soyez restée une journée sans rien recevoir.

Rien de nouveau ici aujourd’hui, il fait un temps superbe depuis ce matin, le soleil donne cela nous réjouit un peu après tant de mauvais jours. Mais ce n’est pas ici qu’il faudrait être par un si beau dimanche, mais voilà nous sommes tous les deux à penser ainsi et toujours pareil. J’espère que vous sortirez aujourd’hui pour vous distraire un peu, tandis que moi je suis de jour cela va m’occuper un peu.

Je suis en bonne santé et j’espère que mes deux mots vous trouveront tous de même.

21th February

New recruits arrive

Je viens de recevoir votre lettre et je profite d’un moment pour vous écrire encore aujourd’hui car les levées de lettres changent tous les jours, mais j’ai encore le temps.

La journée d’hier m’a paru sans fin car nous n’avons rien fait, combien de fois dans cette belle journée je me suis souhaité près de vous, j’en étais malade le soir, c’est bien long une grande journée quand on est seul avec ses pensées. Ce matin j’ai été conduire un détachement au pays voisin et ce soir j’ai repris l’exercice des signaleurs et j’écris en revenant, vaut mieux encore cela que l’exercice car je n’en pense pas beaucoup.

Nous venons de recevoir des sergents comme renfort, maintenant nous sommes 12, tant mieux le service sera moins dur, car des galons je ne cherche pas après, j’aime mieux être tranquille mais ce qui faudrait c’est d’être embusqué quelque part, j’espère bien qu’un jour j’y arriverai.

Il y a une demi heure, une escadrille de 18 avions Boches a passé au dessus de nous, sans doute allaient-ils bombarder quelque ville, ils viennent de revenir et les nôtres sont après mitrailleuses et canons et font un tapage infernal.

Je suis en bonne santé et j’espère que ma lettre vous trouvera tous de même.

Je vous quitte ma bien aimée en vous embrassant de tout mon cœur, comme je vous aime

  

22nd February

Verdun news reaches them

Je profite qu’un de mes camarades va à Paris pour m’emporter cette lettre. La santé est bonne et maintenant je mange assez bien, mais tranquillisez vous cela ne m’a pas trop fait maigrir.

Hier je vous disais que des avions Boches nous avaient survolés dans l’après midi, mais ils étaient 35, deux ont été descendus par les nôtres du côté de St Menehould. Hier soir à 9h, trois zeppelins étaient signalés, deux sont passés au dessus de nous mais sans rien nous lâcher, nos projecteurs les tenaient et l’artillerie leur passait quelque chose, c’était vraiment un beau spectacle dans la nuit, mais ce qu’il faisait froid, à 11h nous savions que l’on venait d’en brûler un, même nous avons vu l’incendie dans les airs, les deux autres sont repassés ensuite.

Je rentre de signaler et je me dépêche car mon copain va partir. Je ne sais ce que les Boches ont en ce moment, mais ils sont rudement actifs. Il paraît même qu’aujourd’hui ils attaquent sur Verdun car depuis ce matin nous entendons un grondement formidable, si seulement cela pouvait hâter la fin. Nous sommes dans un bois qui s’appelle la Charmeresse près de Laneuville au Pont où nous allions au repos auparavant et nous prenions toujours les tranchées au bois des Hauzy.

Rien de plus, il a neigé ce matin mais maintenant du soleil.

Je me dépêche car mon copain trouve le temps long.

Je termine en vous embrassant de tout mon cœur.

24th February

Back to the trenches in 2 days

Hier je n’ai pas eu le temps de vous écrire mais aujourd’hui je vais me rattraper, notre repos touche bientôt à sa fin, va falloir préparer le sac et direction les Tranchées, nous retournerons à la même place, j’aime mieux cela, le coin n’est pas des plus mauvais.

Nous avons maintenant du beau temps, mais ce qu’il fait froid et il gèle fort, la nuit on grelotte, tout cela ne vaut pas un bon lit. Je vais matin et soir à l’exercice des signaleurs, c’est assez intéressant, on s’ennuie même. Rien de nouveau, les boches se baladent de temps en temps au dessus de nous, mais l’on n’y prend plus beaucoup d’attentions, c’est tous les jours pareils. Je suis en bonne santé et j’espère que ma lettre vous trouvera tous de même.

De Barbier, je n’ai pas de nouvelles depuis sa rentrée, mais cela ne m’étonne pas de lui, il n’est jamais pressé.

Embrassez bien votre mère pour moi. A demain, je termine en vous embrassant de tout mon cœur.

PS : J’ai beaucoup de peine a écrire tellement j’ai froid aux doigts, ici il n’y a pas de salamandre.

25th February

Je viens de recevoir votre lettre du 23 et c’est bien comme vous, je suis impatient d’arriver au jour où je reçois votre lettre.

Nous souffrons bien du froid en ce moment mais ce n’est rien encore car quand nous serons dans la tranchée  à passer les nuits dehors, ce sera encore pire, malgré tout je suis en bonne santé, mes dents sont guéries et si j’ai été un moment sans pouvoir manger, je rattrape bien le temps perdu.

Nous partons demain pour 8 jours encore, pourvu qu’il ne nous arrive rien, car à notre droite du côté de Verdun, ça cogne sans arrêt depuis plusieurs jours, mais dans le secteur où nous allons nous sommes loin des boches et la rivière qui est débordée, nous sépare et il y a un rude lac.

Demain, je vous écrirai pas car il n’y a pas de levées. Je suis content que Mme Yvernlle ait reçu sa bague et je vais faire tout mon possible pour vous en faire une semblable, je suis heureux de pouvoir vous faire plaisir vous qui êtes si gentille pour moi, mais pour l’envoyer ce sera difficile car des ordres nous sont parvenus pour interdire la fabrication et l’envoi de bagues ou autres objets venant du front mais dans un petit paquet je pourrai vous l’envoyer. Pauvres soldats nous sommes menés d’une drôle de façon, je me demande en quoi cela gêne de faire et d’envoyer des bagues sans doute que les marchands de Paris n’en vendraient pas assez.

La neige a presque disparu mais j’ai bien peur qu’elle ne revienne car le temps est bien bas et on commence à voir quelques flocons.  

Je vous envoie une photo, mais elle est bien noire, enfin ce sera un souvenir pour moi après la guerre, car c’est tous mes camarades sergents et adjudants et plus tard je serai bien content de ce souvenir.

Je viens de recevoir des nouvelles de chez nous, tout le monde va bien et  vous envoie le bonjour. J’ai reçu également une lettre de mon cousin de Charenton, il a toujours le cafard rapport à sa permission, cela lui tient à cœur après un long repos de 40 jours, il est en tranchées du côté de Nancy.

Je vous embrasse de tout cœur.

27th February

Verdun talk

Un bien triste dimanche qui commence encore pour moi comme pour vous je pense. Depuis ce matin il tombe de la neige mélangée d’eau, tout cela forme un verglas et sur nos caillebotis on ne peut marcher. J’écris, il est 9h, car ce soir j’ai peur d’être de corvée et de ne pouvoir écrire. La relevé s’est bien passée, nous avons été un peu bombardé en arrivant, mais sans casse. 

La nuit a été tranquille, les boches ont arrêté mais s’ils ont 60.000 morts nous en avons aussi car quel vacarme pendant 4 jours, ceux qui se trouvent dans un tel bombardement, il y a de quoi devenir fou. Nous sommes en réserve pour 4 jours, nos 4 autres c’est en première ligne que nous irons et toujours dans le même endroit.

Ma chère Jeanne, je suis en bonne santé et je pense que ma lettre vous trouvera ainsi que votre mère en bonne santé. Je vais encore trouver cette journée bien longue, surtout si je ne suis pas de corvée ce soir. Mon rêve serait d’être près de vous, bien près et échanger de doux baisers, toutes les nuits vous êtes dans mes rêves mais triste réveil, surtout quand on est réveillé par le canon. Encore quelques mois et nous aurons du changement, pour nous nous n’attaquerons pas avant l’été.

Votre bien aimé pour la vie

29th February

Artillery night waken up call

J’ai reçu hier votre lettre du 25, elle n’avait qu’un jour de retard, je pense en recevoir une ce soir car tout va bien maintenant, ce matin nous avons reçu les journaux d’hier et ce soir nous aurons ceux d’aujourd’hui tout semble rétabli.

Cette nuit nous n’avons pu fermer l’œil, notre artillerie a donné toute la nuit sans arrêt, quel vacarme, tout tremble, les boches répondaient faiblement mais la journée n’est pas finie, ils pourraient bien nous envoyer quelques pruneaux. Je n’ai pas de corvée de la journée, alors rien a craindre, nos 4 jours de réserve vont être finis, nous allons finir nos quatre autres en première ligne, là va falloir prendre les petits postes, dormir faut plus y penser, mais quatre jours c’est encore vite passé et après repos. Je ne demande qu’une chose c’est de rester ici car je crois que nous tomberons plus mal.

Merci ma bonne Jeanne de penser ainsi à moi, oui chère mignonne quand je voudrai quelque chose je sais que vous êtes là pour m’encourager et m’envoyer ce dont j’aurais besoin. Je travaille avec courage à faire votre bague, j’essayerai quand même de l’envoyer dans une lettre car cela ne sera pas beaucoup, si elle n’arrive pas j’en ferai une autre. Vous ne me dites pas si vous avez reçu une lettre emportée à Paris par un copain, mais peut-être ne l’aviez vous pas encore.

Je suis en bonne santé et j’espère que ma lettre vous trouvera tous ainsi.

Rien de nouveau, tout est calme pour le moment. Je vous embrasse de tout mon cœur.

  

  March Letters

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